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De l’honnêteté intellectuelle chez certains islamophobes

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MENSONGE !   HONTE À VOUS !

C’est en ces termes qu’un lecteur a réagi à mon récent article sur Pegida – Québec. L’utilisation des majuscules et des points d’exclamation révélant une évidente colère, je l’imagine en train de postillonner, tapant nerveusement sur son clavier avec un doigt tout en maintenant (inutilement) enfoncée la touche « caps lock » avec l’autre.

Cette admonition était accompagnée d’un hyperlien pointant vers un article écrit par Djemila Benhabib, publié le 30 mars 2015 sur le site québécois « Vigile.net ».

C’était sans doute pour me contredire car j’avais avancé dans mon article que la madame « À contre-Coran » ne s’était pas prononcée sur Pegida. Mais comme mon article avait été rédigé et envoyé pour publication le 29 mars, je n’ai malheureusement pas pu lire le sien à temps. Je dis bien « malheureusement » car ce papier aurait pu enrichir mon article tant il contient de faussetés et de formules dégoulinantes de dédain. Sans parler de ce ton suffisant de celle qui a tout compris et tout analysé (en quatre points!) afin de diriger adéquatement l’action de ses « ouailles » jusqu’à la victoire finale contre le « péril vert » qui menace le Québec.

Commençons tout d’abord par le site où a été publié l’article de madame Benhabib et qui y tient d’ailleurs tribune officielle. Se définissant comme souverainiste, c’est-à-dire en faveur de l’indépendance du Québec, il est par essence proche du Parti Québécois (PQ). C’est ce parti qui, lors des dernières élections provinciales, a déposé une Charte des valeurs québécoises qui voulait, entre autres, interdire les signes religieux dans la fonction publique. Mais, comme en France et dans certains pays européens, cette mesure était clairement dirigée contre la communauté musulmane, même si elle était enveloppée dans le beau papier de la laïcité et de la neutralité de l’État.

D’autre part, c’est pour ce parti que madame Benhabib a été candidate lors des deux derniers rendez-vous électoraux. Elle a été battue dans la première élection malgré son parachutage dans la ville de Trois-Rivières et des sondages dithyrambiques.

« J'avais pris un engagement de m'installer à Trois-Rivières et je m'y installerai » avait-elle déclaré à l’annonce de sa défaite. Cela ne l’avait pas empêchée de se présenter dans la circonscription des Mille-Îles, dix-huit mois plus tard, lors des élections d’avril 2014. Comme quoi, les promesses de certains politiciens ne valent rien contre l’attrait du pouvoir.

La Charte et le programme du PQ ont été balayés par un raz-de-marée électoral qui a emporté avec lui Djemila Benhabib et d’autres candidats qui avaient les musulmans dans le collimateur.

Pour revenir au site « Vigile.net », disons qu’il ne porte pas les minorités ethniques dans son cœur, c’est le moins qu’on puisse dire. Notons, par exemple, qu’il a été poursuivi en 2014 par une étudiante musulmane voilée l’accusant de diffamation.  En 2011, ce même site a été accusé d’antisémitisme par le Comité Canada-Israël. On apprend aussi dans un article consacré à ce dossier, que Bernard Drainville, le « père » de la Charte des valeurs, finançait ce site de concert avec de nombreuses grosses pointures (et anciens ministres) du PQ.

Le site publie des textes anti-islam aux titres explicites comme « Islam et islamisme : même combat ! » et d’autres faisant « l’apologie de Marine Le Pen et du Front National ».

D’après certains observateurs, Djemila Benhabib ne serait qu’une version québécoise de Caroline Fourest, figure de la lutte contre « l’islamisation de l’Occident », bien connue dans l’Hexagone. D’ailleurs l’islamophobe française ne tarit pas d’éloges à l’égard de son sosie idéologique algéro-québécoise et ne se prive pas de gazouiller avec elle lorsque l’occasion se présente ou de participer avec elle à des colloques: les « grands » esprits se rencontrent toujours, n’est-ce pas ?


Caroline Fourest et Djemila Benhabib

 


Caroline Fourest présente « Ma vie à contre-coran » de Djemila Benhabib


Mais revenons à l’article dont la lecture m’a été suggérée par mon lecteur fâché. Tout d’abord, on y voit en guise d’illustration principale une femme en niqab noir montrant, sur fond de drapeau allemand, une pancarte sur laquelle on peut lire : « Unsere Zukunft? Nein danke ! » (« Notre avenir ? Non, merci »). Quoi ? Une manifestante « niqabée » brandissant une pancarte rédigée en allemand dans la manifestation anti-Pegida du « Petit Maghreb » ? Ayant été sur place lors de cette manifestation, j’ai vu des femmes portant le hijab, mais aucun niqab en vue. Encore moins des slogans ou des drapeaux allemands. Une petite recherche sur Internet allait s’avérer fructueuse : il s’agissait d’une photo prise lors d’une manifestation organisée le… 2 mars dernier à Dresde (Allemagne) ! Et, comble de la malhonnêteté, la photo « décorant » l’article de madame Benhabib n’était accompagnée d’aucune légende explicative : l’exemple parfait d’un mensonge par omission.


La "décoration" de l'article de Djemila Benhabib sur la manifestation montréalaise anti-Pégida: une photo prise le 2 mars 2015 à Dresde (Allemagne)!


Et ce n’est pas la seule escroquerie que contient le texte. En effet, dans le chapeau de l’article, notre auteure mentionne que « la manifestation a été tuée dans l’œuf…par les Québécois eux-mêmes qui ont tout simplement boudé l’initiative ».

Rien de plus faux.

Certes, la majorité des Québécois s'est désolidarisée de cette première sortie publique de Pegida – Québec, mais les membres de cette association xénophobe n’ont annulé leur manifestation qu’à cause de la grande mobilisation de certains groupes antifascistes et antiracistes. Ceux-là même que madame Benhabib appelle, non sans un zeste de mépris, « des groupuscules d’extrême gauche qui brandissaient avec nostalgie le drapeau de l’ère soviétique et l’étendard anarchiste ».

 

http://ici.radio-canada.ca/widgets/mediaconsole/medianet/7265275/?seektime=undefined

Écoutez le reportage de Radio-Canada qui contredit les dires de Djemila Benhabib sur les raisons de l'annulation de la manifestion Pegida - Québec

 

 

Les drapeaux rouges avec faucille et marteau brandis lors de la manifestation anti-Pegida (Montréal, le 28 mars 2015)

 

Extrême gauche ?

Madame Benhabib a-t-elle oublié qu’elle a été élevée dans une respectable famille communiste militante ? Son père n’était-il pas un membre du Parti de l’avant-garde socialiste algérien (PAGS) ? Et qu’elle-même reconnait avoir milité dans ce parti ?

D’ailleurs, la menace de mort émanant des islamistes algériens visant son père n’était motivée que par son appartenance au PAGS et non par d’autres raisons qu’elle aime bien enjoliver.

 

Drapeau de l’ère soviétique ?

Les drapeaux « de l’ère soviétique » présents lors de la manifestation étaient ceux, rouges et arborant faucille et marteau, du Parti Communiste Révolutionnaire.

Les mêmes « faucille et marteau » sous l’ombre desquels est née madame Benhabib pendant « l’ère soviétique », en Ukraine.

Les mêmes « faucille et marteau » qui ont permis à ses parents d’étudier en ex-Union soviétique et d’obtenir des diplômes leur ouvrant les portes de l’université d’Oran (Algérie) ainsi que d’enviables positions susceptibles d’offrir une vie décente à leurs enfants.

Madame Benhabib a la particularité de faire table rase de tout ce qu’elle a connu dans le passé : le communisme, l’ère soviétique, l’Algérie, l’islam, voire son arabité même partielle…

Il est vrai que c’est le rêve américain qui a commencé pour elle au Canada. L’eau a coulé sous les ponts et la nostalgie est un mot qui ne fait plus partie de son vocabulaire. Ce qui l’intéresse c’est plutôt son inextinguible désir de grimper aux plus hautes sphères de l’État, quitte à piétiner une montagne de hijabs.

Quitte à nuire gratuitement aux musulmans du Québec, à essuyer ses pieds sur leurs rêves dorés, à annihiler leurs désirs d’émancipation et à briser leurs ailes avec lesquelles ils peuvent s’extirper de leur éternel statut d’immigrant.

Quitte à entendre des gens, « dopés » par son discours haineux et ceux de ses porte-voix, se féliciter de la mort d’un être humain « étranglé par son hijab ».


 

Quitte à voir le spectacle de cette dame voilée, invectivée puis brutalement et publiquement agressée par une personne qui s’en est pris à elle à cause de son hijab.


 


Une femme musulmane agressée dans le métro de Montréal à cause de son hijab


Quitte à participer, même indirectement, à l’éclosion de mouvements racistes, fascistes et xénophobes tels que Pegida…

Absente lors de la manifestation anti-Pegida, la pourfendeuse de hijabs n’a évidemment pas pu se rendre compte de la présence des nombreux manifestants issus de la communauté maghrébine et ne l’a donc pas mentionnée dans son article. Ce qui ne pouvait que faire son affaire, bien sûr. Mais son absence ne l’a pas empêchée d’user de son pédantisme légendaire pour « analyser », les relations entre l’extrême-gauche et l’extrême droite, oubliant volontairement qu’elle et ses idées appartiennent à cette seconde mouvance politique. Elle aura ainsi bouclé la boucle, de gauche à droite.

Adopter le point de vue de Sirius aplanit certes les détails, mais ne masque jamais la vérité. Pourrais-je scander, à mon tour, « Mensonges ! Honte à vous ! » ?

 



Cet article a été publié par le quotidien algérien "Reporters", le mercredi 8 avril 2015 (pp. 12-13)

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